Gerson Bettencourt Ferreira
Artiste photographe
Voici le deuxième volet du projet de résidence et une sélection de photos appellées Equatoriales.
Le projet a été conçu en 2009 lors d’un séjour au Helsinki International artist in residence programme (HIAP) en Finlande.
L’exposition montre un premier et principal volet d’un corpus constitué de quatre séries distinctes réalisées lors de cette résidence. Telles des nouvelles, elles ont été rassemblées sous le titre suivant :
Tapaaminen Puistossa and Other Artistic Tapas.
L’ubiquité chimérique
Suomenlinna, cette petite île finlandaise, faisant face à Helsinki est réputée pour la qualité, à la fois historique et naturelle, de son site, ce qui lui vaut d’être inscrite au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Sa proximité du centre de Helsinki est l’autre facteur de sa forte popularité auprès des habitants de la capitale, qui s’approprient volontiers ce lieu des plus propices à la détente.
Ces visiteurs, aussi bien des promeneurs de Helsinki ou des touristes étrangers, venus profiter du cadre bucolique de l’île, ne constituent pas moins une population nomade dont les mouvements n’ont cesse de redéfinir la configuration de ce territoire.
Mon travail photographique se traduit par une approche simple et directe d’une population ancrée dans son univers social, également matérialisé par un territoire.
Ma curiosité porte ici sur la manière, dont ces personnes investissent, le temps d’un bref passage, une portion de cet espace, tout en m’interrogeant sur la meilleure façon de percer l’invisible barrière de cet espace intime fraîchement constitué.
Alors que mes portraits abordent les sujets de façon individuelle, je me retrouve ici, face à l’omniprésence du groupe. Confronté à cette situation nouvelle, j’ai très vite écarté le principe de la composition groupée, notamment pour échapper au risque de voir ce travail devenir une pantomime du fameux « Déjeuner sur l’herbe ». Sans toutefois ignorer l’importance d’une telle référence, cette distanciation m’a permis d’expérimenter de nouvelles possibilités venues enrichir ma démarche.
Le groupe est traité en tant qu’entité, afin de ne pas altérer le contexte. Pour préserver l’individualité de chacun, j’ai choisi d’éclater le groupe, non pas par une séparation physique, en déplaçant les personnages, mais plutôt en décomposant la situation originale. Le résultat est une composition en plusieurs volets. Ceux-ci sont présentés séparément, mais restent reliés les uns aux autres par un trait d’union visuel, exprimé par quelques fragments, dont l’écho, crée une réciprocité visuelle.
Jusque là, ce système de représentation n’induisait aucune modification majeure de point de vue qui aurait pu sensiblement altérer la lecture de l’image, seul un petit décalage dû à un léger changement de position sur la même ligne de vision étant perceptible.
Par contre, le fractionnement d’une situation, associé à un changement du point de vue [du photographe], ouvre l’espace de telle sorte, qu’une dimension supplémentaire se crée. On serait face à une simple acrobatie formelle si la question de notre rapport à la perception et à la représentation de l’image n’était pas posée. Je pense en l’occurrence à la question de l’ubiquité de l’image. D’autres média, dans leur manière d’aborder l’espace, amorcent cette possibilité, le cinéma et son utilisation du champ contre-champ, pour marquer un antagonisme ou soutenir un dialogue, ou encore la sculpture dont le rond de bosse permet, au spectateur, d’appréhender l’objet sous de multiples facettes constituent de bons exemples. Ceci n’exclut pas que la photographie soit en reste, différents procédés privilégiant entre autres la superposition ou la répétition le démontrent.
L’évolution de ce projet fait qu’on passe du trait d’union au fil d’Ariane en opérant une rotation significative, voir complète, autour du sujet. L’angle s’ouvre de telle manière qu’on a l’impression de passer d’une dimension linéaire à une dimension spatiale. L’ici et ailleurs se retrouvent réunis et les infimes détails papillonnant d’une image à une autre, permettent, tel un fil d’Ariane, à l’œil du spectateur de renouer les liens qui les unis.
Le Salon 3, revue du centre de recherche I.D.E. de L’ESAL, Metz, 2010
G.Bettencourt