Lore Rabaut & Frank Depoorter
Rabaut and Depoorter are working towards a common body of work in which the autonomy of each artist remains respected.
Visual arts, architecture and applied art are the framework for their quest towards the meaning of “space and its properties”.
The interaction between individual experience and public spheres are the recurring themes in their work.
White Space/ Bart Verschaffel
Département d’architecture et de planification urbaine - University Ghent
L’ouvrage – ou plutôt, le livre- se rapporte à la « lisibilité ». N’importe qui ouvre un livre ,veut lire, ou au moins, donner un nom à ce qu’il ou elle voit : on s’attend à des mots, ou à des images limpides, dénommables. Cependant, dans le cas présent, la lecture commence avec une sorte de suspense : il n’est pas possible (tout de suite) de « savoir ce qu’on voit ». Ce à quoi nous sommes confrontés- pour celui qui ouvre le livre et le feuillette pour la première fois, ce sont des (petits) « événements » qui se passent sur une page, tout au long du livre, pendant tout un livre. Aussi, il ya d’abord une impression d’homogénéité ; il apparaît évident que les images sont interchangeables et que tout se déroule dans le même espace.
Puis de petites différences commencent à jouer un rôle. On est frappé qu’à chaque fois, seulement une partie de l’image- précisément les petites différences- sont «claires » ou lisibles.
Les petits événements sont « des apparitions ». Presque miraculeusement, la page, la surface blanche, s’ouvre et c’est comme si une brume blanche, laiteuse, remplissait la profondeur de la page. Puis dans cette brume, quelque chose apparaît, quelque chose se détache indistinctement. Et avec ce « quelque chose », des différences émergent : les petits choix se rapportent à ce qui va apparaître, à la manière dont l’apparition définit «son environnement » et laisse supposer la nature de cet environnement plus large. En bref : l’apparition d’une figure nous fait suspecter le « gestalt », l’ensemble du monde dans la surface d’un blanc laiteux. A « quelque part » doit correspondre « quelque chose ».
Parfois l’image sur la page semble faite de signes- traits- sur une feuille de papier, sur une surface. Parfois, cependant, un « objet » distinct apparaît. Les traits lui donnent alors du volume et de la profondeur puisque nous pouvons regarder à l’intérieur et au travers de celui-ci. Le trait projette une ombre légère et ainsi c’est un bord qui va définir une chose qui elle-même possède une certaine masse. Par ailleurs, comme l’ombre ne peut pas être projetée sur « rien »- « quelque chose » doit capter l’ombre- le trait suggère aussi le sol ou un mur. Cependant l’objet ne sort jamais de lui-même avec énergie. La projection irradie rarement également de tous les côtés, ce qui permettrait à l’objet de se libérer et de devenir autonome, c-à-d, se détacher de son fond et devenir un objet dans l’espace quelque chose qui quelque part occupe une certaine place, quelque chose qui remplit un vide existant. Car souvent les bords de l’autre côté de la « chose » se dissolvent dans le blanc, dans la brume, dans la surface, et il n’y a donc rien pour attraper l’ombre. La « chose » que nous voyons est ainsi rarement « entièrement » là. Et non pas parce que elle faite de fragments ou de pièces. Le spectateur n’a pas l’impression que quelque chose manque : toutes les apparitions sont « complètes ».
C’est juste qu’elles n’apparaissent pas « complètement ».
Un élément essentiel est toujours –qu’il apparaisse ou non- le socle. Le socle crée l’endroit. Le socle signifie : bas. Quand l’objet se trouve dans un endroit bien défini, avec des petits trais d’ombre sous l’image, entre l’image et ce qui est au-dessous, le blanc devient : sol.
C’est plus qu’une surface et plus qu’un espace abstrait : dans cet exemple il y a aussi le haut et le bas, la gravité, l’effet des forces de maintien et de soutien. Ce que nous voyons n’est pas une apparition dans l’espace mais un objet dans « un monde ». « L’apparition » devient « une chose » seulement quand il y a aussi « sol ». Ce type de représentation est le plus puissant quand nous ajoutons le sol, sous l’apparence de socles qui sont empilés l’un sur l’autre, jusqu’à devenir une masse dense, opaque. Rien que le sol.
Toutefois, ce qui apparaît dans les photographies n’est habituellement pas un objet, mais « une construction » :
Un tout composé de surfaces (« murs ») et de traits (« pôles ») qui peuvent ou non être attachés à un « sol » : la construction soit flotte dans l’espace ou est attachée à un sol. Dans chaque cas, la construction définit un espace, l’espace « entre » les composants. La construction est structurée, bien définie dans ses proportions et les positions de ses composants. Nous reconnaissons donc des boîtes, des chambres, des faisceaux et des cavités. Parfois des éléments isolés deviennent reconnaissables. Ils portent des noms qui ont été tirés du monde ; il y a une clé qui indique la position d’un seuil, d’une entrée, d’un trou, d’une fenêtre et d’un escalier. Les débuts de l’architecture. Mais c’est fascinant de voir la façon dont cette clarté est localisée, et « irradie » seulement faiblement. La clarté est une tache qui fonctionne dans un centre mais est incapable de sortir et projeter une structure sur l’environnement. La page entière n’est ni structurée ni dominée. Tout autour, il y a du vide ou rien –lequel des deux exactement, ce n’est pas clair.
En fait, ce livre est une collection d’images « élémentaires, une série de tests, dont l’ensemble représente la première fraction de la seconde après la naissance de l’Univers. Chaque page est un commencement.