Daniel Daniel

De son vrai nom Daniel Lannoy, Daniel Daniel passe son enfance à Bruxelles et arrive adolescent à Arlon, il vit depuis à Virton en Gaume, région aux frontières emmêlées du Luxembourg belge.

Bricoleur précoce et virtuose, il construit avec son frère Philippe ce qu’ils appellent un Satanyc, un train fantôme grinçant aux riffs des musiques d’Alice Cooper, dans le jardin familial.

Musicien sans partition, il est le guitariste du groupe proto-punk arlonais Demodex, il s’essaie

également à cette époque au cinéma en des films aux scénarios ambigus habités d’amis acteurs travestis dans des sapinières à la tombée de la nuit.

Créateur naturel d’images, il décroche son diplôme en gravure à l’Académie des Beaux-Arts de Mons – ce qui lui permet aujourd’hui encore d’être professeur à celle d’Arlon.

L’une de ses premières expositions aura lieu à la galerie montoise Alter Ego, une installation intitulée Aux joyeux sapinos (1985) dans laquelle il se met en scène sous forme de poupée réaliste et parlante à son effigie.

Après des expositions organisées dans ce qui deviendra le Centre d’Art contemporain du Luxembourg belge, il fait des apparitions locales à la Galerie Totem ou à l’Eglise de Vieux-Virton en compagnie de Myriam Hornard et dévoile en 1992, sous la forme d’un mobilier hilare et morbide, sa vision de l’Enfer et du Paradis dans les ténèbres de l’Autre Musée à Bruxelles.

En 1994, il attaque les cimaises à même la roche de la Galerie Arte Coppo à Verviers avec une imagerie baptisée So long in Sologne.

A partir de 1995, il exposera 23 fois avec le Chalet de Haute Nuit, groupuscule post-surréaliste basé à Bruxelles, en des expositions de peintures et d’objets animés aux noms étranges tels que De la belle Charcuterie (1999), Mécaniques & Cie (2001) – la suite des Sculptures mobiles du Bateau Ivre de Redu en 1990 et des Mobiles à air chaud de la Grange du Faing de Jamoigne en 1997 – ou Hardcorps (2003).

Amateur de jeux visuels, il investit la vitrine de la Médiathèque de Mons ou celle d’un magasin désaffecté de Dudelange au Luxembourg avec des sons et lumières aux trompe-l’oeil fantomatiques.

Un temps leader du groupe de variété expérimentale Hi-Han – et l’on se souvient de ce concert mémorable dans les casemates de la citadelle de Montmédy –, il revient à la musique électronique et aux onomatopées faites chanson avec un album qui porte bien son nom : Curiosités (1999).

Depuis 2001, il aborde à nouveau le cinéma, particulièrement celui d’animation en fervent admirateur de Georges Méliès, et réalise Home Travel, un voyage au coeur d’une maison guidé par un cavalier qui galope sur une table de cuisine.

En 2007 voit le jour Klaus Kermesse, un projet plus ambitieux aux personnages animés mécaniquement dans un décor de manèges métaphysiques et de roues de la fortune diaboliques – ce film sera projeté d’Athus à San Francisco et nominé au Festival d’Art Vidéo D’Konschtkëscht de Dudelange.

La même année, il construit des sculptures mobiles pour le film Où est la main de l’homme sans tête des frères Malandrin. En 2008, il réalise Spectrum Slide, un voyage encore, mais dans une nature hantée où neigent des organes puis Flash Back (2009), un film-collage documentaire pour les 20 ans du festival musical Couleur Café.

Depuis 2011, il revient à ses premières amours plastiques faites de cabanes à malices, sans doute une amorce de ce qui deviendra peut-être un jour un nouveau Satanyc. C’est Buis-buis – présenté dans le parc de l’Orangerie de Bastogne –, une ricanante prouesse d’art topiaire, puis Entre Sort – installé sur le site de Buzenol-Montauban –, un container camouflé de sapins habité par une inquiétante forêt animée.

Entre deux projets d’installations et de cinéma, il conçoit depuis les années ’80 les affiches des spectacles d’Agnès Limbos et son théâtre d’objets tragi-comique. En 2011 il s’est à nouveau diverti les doigts en réalisant pour la galerie bruxelloise La Charcuterie une impressionnante série d’aquarelles intitulée Manèges liquides.

Daniel Daniel en tant qu’artiste est inclassable, n’étant attaché à aucune technique en particulier – ou alors à toutes en fonction de ses projets –, en fils de l’Atome il n’a pas la nostalgie fétichiste des Beaux-Arts – à part celui de Peter Blake, Jim Shaw ou Matthew Barney, l’art d’aujourd’hui le laisse assez indifférent – mais un intérêt toujours aux aguets pour la technologie au service des idées.

Daniel Daniel ne s’est jamais dit un beau jour qu’il allait « faire de l’art », depuis la construction de son Satanyc dans les années ’70 il crée comme il vit, sans plan de carrière ni rétrospective à préparer, juste pour faire rêver quelques enfants qui comme lui ne deviendront jamais vieux.

François Liénard, juillet 2012