PROGRAMME
2-3.10 - All day long
Mythissages
(Médiation culturelle accompagnée par la psychologue Simone Bauer)
3.10 - All day long
Meteor
(Performance by Bertrand Dufau)
9-10.10 - All day long
Mythissages
(Médiation culturelle accompagnée par la psychologue Simone Bauer)
16-17.10 - All day long
Mythissages
(Médiation culturelle accompagnée par la psychologue Simone Bauer)
21.10 - 19h30
Le désoeuvré
(Pièce de théâtre, adaptation et mise en scène par Godefroy Gordet, dramaturgie et interprétation par Cyril Chagot, composition et musique live par Denis Jarosinski)
23.10 - All day long
Déconstruction collective
(performance participative et contemplative)
24.10 - All day long
Closing day & Publication release
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Du rien, visible, émane ce tout, invisible
Une tâche de café remplie ma page blanche. Quelqu’un a déjà dû écrire ça. Souvent, on ne sait plus ce qui vient de nous et ce qui vient d’ailleurs. Ce que l’esprit a ingurgité en lisant, voyant, entendant, touchant, s’enfouie parfois dans les profondeurs de notre conscience. C’est la charge mentale des influences qui gravitent autour de nous et parfois nous submergent. Celles qui nous forgent, comme celles qui nous détruisent.
Je rencontre Nora en 2012, dans une galerie désormais éteinte. Une exposition titrée « Young Blood », ou « Sang Neuf ». Elle y montre ses lomographies. Elle a abandonné ce travail. C’était celui d’une jeune artiste, obnubilé par la technique. Elle est aujourd’hui obsédée par le processus, tourmentée par ce qui construit l’oeuvre, plus que ce que l’oeuvre est, serait ou sera.
Le travail de Nora est indéfinissable au premier degré, car il se vit. Il puise dans l’âme de chacun qui s’y trouve mis en relation. Il est autant que ceux qui le vivent. La quête qu’elle poursuit, offre une intimité étroite entre l’artiste et son spectateur. Résultant du partage d’expériences de vies qui se croisent même si antagoniques. Là est l’essence pure de sa recherche artistique, dans le frôlement de cette zone sensible, faisant résonner le silence intérieur, sans jamais violer notre pudeur morale, juger nos révoltes contenues, ou dévoiler nos blessures secrètes.
Par son travail, et ses expositions, Nora se dévoile et propose aux contemplateurs*trices d’en faire de même par l’imagination.
« Il y a différentes façons de déclamer les choses. Parfois en disant la même chose d’une autre manière, on peut trouver à faire comprendre autrement », me disait Nora en parlant des attitudes de prêcheurs qu’adoptent certains artistes. Il n’y a pas une vérité, et sûrement pas une unique ligne à suivre. Son exposition délivre cela, le contraire d’un sermon : un dialogue.
Et ainsi, si nous sommes façonnés de rien, que tout est « apprentissage », cette exposition fait figure de symbole pour l’existentialisme, se composant pas à pas, au fur et à mesure du temps, comme nous, au fil d’une vie.
Ici, on ne peut remarquer qu’un grain de poussière dans une salle vide, y sentir une odeur, y remarquer une couleur, y éprouver une température… Ce que propose Nora, est bien plus qu’une exposition, c’est un parcours sensoriel qui nous fait être nécessairement tantôt aveugle, sourd, ou muet, et a contrario regardant, écoutant, dialoguant.
Parce que ce qu’il y a ici, c’est d’abord le rien. À l’image de ce que nous sommes d’abord : rien.
Et puis, durant un mois, nous sommes – ou serons – guidés. Il y a ensuite la découverte, et enfin, le remplissage de ce rien par l’expérience vécue.
Nous sommes construits d’un néant, par la matière palpable ou celle évanescente que nous captons volontairement, ou inconsciemment. Nous sommes ce que nous sommes selon notre volonté et celle-ci n’est pas si dure à convaincre. Il suffit de mettre un pas devant l’autre.
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Tout oublier.
« Dans mon processus de création, J’aime me poser dans l’espace et ne rien y faire,
Juste le ressentir et le regarder », Nora Wagner
Arriver au bout d’un briquet
Se dire qu’il faut arrêter
Souffler une dernière bouffée
Observer la rue à travers la fumée
Y trouver ce qu’on cherche
Franchir la porte d’une gare
Voyager sans prendre de train
Occuper une galerie
Découvrir un monde autre
Se taire
Profiter de la douceur
Oublier
Jouir de cette rareté
Le temps qu’on puisse
Faire face à une installation
Évanescente
Cerné de murs blancs
Un cube
Impassible
Faire flotter une main
Dans la lumière débordante
Celle qui transperce
Des vitraux bricolés
Une oeuvre duale
Formée par l’intérieur
Dédoublée par l’extérieur
Dans trois pièces sans seuils
Apercevoir l’inaperçu
Par audition
L’attention démultipliée
Mobilisant les chimères
Dans des murmures
Aux travers ontologiques
Je suis un corps dans l’espace
Mouvant, bougeant
Au rythme d’une voix
Libre
Je suis cette feuille morte
Tombant en virevoltant.
Mort mais vivant de liberté
Mes veines sont des nervures
Battantes
Je tourne au vertige
Je me perds
Dans l’immensité
Dans mon être
Je suis le vide
Je suis le vent sifflant
Je suis la poussière qui se soulève
M’écrase au sol
Me tasse
M’enracine
Attendant que le remoud
De celui qui passe
Me pousse à l’envole
***
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? Un tout ?
Il s’était écoulé une dizaine de jours. Du temps plein, occupé, sans arrêts. Une impatience a germé, nécessaire pour savourer ce bol d’air frais qu’est l’exposition de Nora. La galerie s’est remplie de masques, de costumes, de tapis, de dessins, de vidéos, et d’une femme. Trônant sur l’un des tabourets au coussin en patchwork coloré, ce personnage déguisé, couvert d’un scaphandre de plastique et de tissus, se reconnait comme celle se saisissant du « Mythissage ». Sous un arbre sans feuilles, la voilà nous proposer tissage et discussion, deux curiosités ces temps-ci. Là, si l’agréable est délectable, la fascination est plutôt dans la protection inconsciente qu’offrent des branches tendues jusqu’au plafond, protégeant nos esprits vagabonds. ? Quand un enfant est né, on plante un arbre. La tradition se perpétue. Beaucoup d’enfants de par le monde ont un frère de tronc, de sève, de branches, et de feuilles. Ils nous sont familiers, même sans qu’on le veuille. Mais combien d’arbres âme-soeur nous faudrait-il pour combler nos empreintes. Celles laissées dans la boue des hivers sans neige, ou dans la poussière des étés brûlants ? Et pourtant, si ce n’est pas l’objet d’ici que de faire de la diplomatie écologiste, on y pense, forcément. ?? L’arbre ne bronche pas. Son corps d’argent, de cuir, ou de mousse tient droit de saison en saison, là pour toujours ou presque, face à « nous », si provisoires. ? Enraciné, creusant le sol, tendu vers le ciel, se régénérant perpétuellement, son aura est sacrale. iel est mâle et femelle, puissant et nourricière, d’après les dogmes. Sous l’arbre aux concordances si humaines, le symbole mental est évident. Miroir de nos fragiles existences, il est l’élément terrestre à vénérer. ? L’arbre est fascinant, même le citadin accompli peut s’en rendre compte. C’est flagrant. Cet être silencieux transperce. Non pas parce qu’il est mystique chez certains, ou chamanique pour d’autres, mais parce qu’il est ostensiblement majestueux. Simplement beau. ? Ici, « nous » - entendu comme « un tout » - sommes comparables à un arbre. Nous sommes comme ses branches, liés les uns aux autres, sans qu’on le veuille. ? Comme lui, nous sommes amoindris en hiver, le corps crispé, des silhouettes sans feuillage, puis, sautillant au printemps, plein de vie en été, murmurant timidement à l’automne. ? Comme lui, nous cherchons tous à sortir du silence, remuant, sifflant à tue-tête nos musiques intérieures, arborant couleurs ou odeurs, capables de laisser se graver à même la peau nos expériences, inlassablement guidés par l’éviction de l’indifférence. ? Comme l’arbre, laissons-nous l’opportunité d’être ce « tout », tel ses branches connectées d’une manière ou d’une autre. ? Dans nos actes, nos visions, nos limites, ou nos ressentis, les échos de nos vies s’invitent partout en réverbération, chez tous et toutes, sans différenciation aucune. ? Comme l’arbre, laissons quelqu’un s’adosser à nous, et fixer son avenir, le temps d’une respiration, ou davantage. ??