La volupté du Verbe.
Shéhérazade et ses Arte fact(s)
Au départ du conte il y a Shéhérazade, la femme sauvée par le verbe. Celle qui,
grâce à ses histoires, absout toutes les femmes d’une trahison commise par la première épouse du Sultan. L’histoire de Shéhérazade n’est pourtant pas une rédemption,
ni une réconciliation, mais l’harmonie d’un corps et d’un esprit.
Shéhérazade cette incarnation du dialogue entre l’homme et la femme marque l’avènement d’une entente dans le couple autrement supérieure aux premiers émois.
L’Occident est prompt à séparer le corps de la raison : funeste dichotomie.
La conteuse n’évacue pas l’un au détriment de l’autre,
ses récits didactiques attisent le plaisir de son auditoire.
Shéhérazade n’est pas la courtisane orientaliste telle que dépeinte par les artistes
des salons du 19ième siècle. Shéhérazade est l’épouse qui est préférée chaque nuit assouvissant au passage, son propre désir, elle nourrit par sa narration,
la puissance érotique de son sanguinaire époux.
« le verbe s’est fait Chair » Evangile selon Saint Jean.
Durant 1001 nuits le Sultan n’a pu respirer sans les histoires de Shéhérazade.
Il était dépendant comme Nous le sommes aujourd’hui des objets connectés et de cette Toile intuitive qu’est le 3.0. Curieuse servitude que celle de se soumettre aux objets qui devaient libérer. Même Shéhérazade s’y perd… Shéhérazade la désincarnée…
dont la voix peine à se faire entendre et cherche un nouvel écho.
Tapisserie et grenade
Naissance d’un conte
Chaque nuit, lorsque Shéhérazade raconte: le temps se fige et son exécution,
prévue au petit matin, se trouve suspendue.
L’Aède orientale arrête le temps réel pour y introduire une seconde dimension,
celle du récit.
De même que Shéhérazade 3.0 s’éclipse de sa vie terrestre pour mieux se connecter
à son double Virtuel inextricablement plus attirant.
Jadis l’histoire se déroulait sur de grandes tapisseries….l’amour de Pénélope,
La Dame à la Licorne, la tapisserie de Bayeux…
Or ici il ne s’agit pas d’égrener une histoire mais de capturer l’essence créative :
figer l’entreprise du conte, saisir l’instant ou celui-ci décolle: alors la tapisserie déroule
ses fils et vient capturer l’attention de l’auditoire.
La fécondité d’un conte est une affaire sacrée et sucrée à la fois.
Le conte est une grenade dégoupillée: son écorce lisse est dure, ses arilles crépitantes.
Fruit fécond si souvent associé à la beauté des femmes pour L’Orient tandis qu’en Occident, sa chair écorchée incarnat codifie en peinture classique l’abnégation
la souffrance des Corps.
La Grenade territoire créatif est au coeur du motif distillant ses pépins amers, flots de vie, sources de mort.
Ode à la « Charge mentale du premier millénaire »
Petit Graal du quotidien.
La coupe est pleine et pourtant demain il faudra recommencer.
La coupe est ronde, creuse, percée, suspendue en un instable équilibre dont il faut vite trouver, le nouveau centre de Gravité.
une coupe bien façonnée servira longtemps.
Les coupes sont brutes, en terre, cuites mais non vernies: leur matière est belle! Certes mais
« sans apprêt pas d’après » disaient nos grand-mères.
Mais l’art c’est la matière!
Non l’art c’est la manière!! »
De toutes façons le plus important c’est le vide interne de la coupe… sa capacité à accepter! à bien contenir sans se fêler.
Les coupes sont ébréchées, leurs arêtes tranchantes.
Vaisselles usagées amoncelées. Mises au rebut.
Les coupes sont pourtant les premiers vestiges conservés des sites archéologiques.
Respectons les coupes!!!!!!
Au seuil de bouches
Bouches cousues sur mesure aux ourlets bien troussés,
sons métalliques, nets ajustés. Bel attirail!
Gueuloir de Luxe… pour gorges profondes.
Tu t’défoules, nous ravalons
Tu nous foules, nous encaissons.
Nous sommes les maux de ton silence,
Perçois tu le bruit qu’il fait?
Nous sommes l’écho de ta revanche.
Laetitia de Luppé